
Des individus sur le fil. Singularité et réflexivité des acteurs face à la maladie grave
17 décembre 2017 - Marc-Antoine BerthodYannis Papadaniel, Marc-Antoine Berthod et Nicole Brzak, 2017, « Des individus sur le fil. Singularité et réflexivité des acteurs face à la maladie grave, in Marieke Blondet and Michaële Lantin Mallet (dir.), Anthropologies réflexives. Modes de connaissance et formes d’expérience, Paris: Presses Universitaires de Lyon, pp. 161-183.
L’épreuve de la maladie ne consiste pas uniquement à mettre un terme au trouble engendré pour retrouver le cours de vie qu’elle aurait suspendu. La maladie est également une épreuve, en ce qu’elle est susceptible de remettre en cause durablement, même en cas de rémission, les appuis sur lesquels se fondait l’existence du malade; elle entraîne chez ce dernier des changements durables, notamment dans son rapport au monde. Ce texte vise à compléter et à élargir ces constats en se penchant sur la situation des proches – parents ou amis – et sur la façon dont leur lien avec la personne malade est susceptible de se transformer et conjointement de les transformer : quels sont les canaux de cette transformation ? Quelles sont la nature et l’ampleur de ces transformations ? Telles sont les deux questions qui servent de fil rouge. Notre hypothèse est que la maladie recèle un pouvoir de singularisation – même s’il se présente par la négative, voire la contrainte – qui conduit les individus à réfléchir sur leurs conditions d’existence, les déstabilise voire les isole, tout en les incitant à reconsidérer un certain nombre d’acquis et à appréhender sous un nouvel angle leur rapport au monde et aux autres. La maladie crée une oscillation entre contrainte et détachement, entre perte de repères et découverte d’un nouvel horizon. Plus l’amplitude de cette oscillation est forte, plus elle donne à voir les conditions qui peuvent conduire une personne à se penser comme un être singulier.